Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

épargné le vin, qu’il trouvait fort bon, il l’était moins que jamais en ce moment, et il suivit, sans hésiter, la main et la lumière. Elle le conduisit dans une belle chambre, où il y avait un beau lit, posa le chandelier sur la table, puis disparut. — C’est fort singulier ! se disait Jean ; mais Bath ! arrive que pourra. — Et il se coucha et s’endormit, sans tarder.

Vers minuit, il fut subitement réveillé par un grand vacarme, et il vit dans sa chambre, autour de la table, trois diables qui jouaient aux cartes. Le Diable Boiteux dit tout à coup :

— Je sens l’odeur de chrétien !

— Bath ! lui dirent les autres, comment veux-tu qu’il y ait des chrétiens ici ? sois à ton jeu.

Et il se remit à jouer. Mais un moment après, il se leva en disant encore :

— Pour sûr, il y a un chrétien par ici, quelque part !

Et il regarda dans tous les coins de la chambre, puis dans le lit, et trouva Jean, qui se cachait de son mieux sous les draps :

— Quand je vous le disais ! — reprit-il, en le tirant du lit et le montrant aux autres. — Qu’allons-nous en faire ?

— Ma foi ! le faire cuire et le manger sur le champ ! nous avons fait un triste souper, et c’est sans doute lui qui en est la cause.

Il y avait un feu d’enfer dans la cheminée ; on suspendit le pauvre Jean au-dessus, sans qu’il fît entendre une plainte. — et quand il fut cuit, — ce qui ne tarda pas, ils le mangèrent, et s’en léchèrent