La jeune comtesse demandait
Un jour à sa belle-mère :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans cette maison,
J’entends les domestiques pleurer ? —
— Le plus beau cheval de l’écurie
A été mangé par les loups. —
— Dites-leur de ne pas pleurer,
J’arrangerai l’affaire avec mon mari. —
La jeune comtesse demandait
A ses servantes, ce jour-là :
— Pourquoi vos coiffes sont-elles pendantes ? (1)[1]
Ce n’est pas qu’il vous manque des épingles ;
De la grande foire de Tréguier,
Je vous en avais apporté à chacune un millier ? —
— Un mendiant avait été logé dans la maison,
Et il est mort cette nuit ;
Il est mort cette nuit,
Et il convient de porter son deuil. —
La jeune comtesse demandait
Encore à sa belle-mère, ce jour-là :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans cette maison ?
J’entends les prêtres chanter. —
— Un mendiant avait été logé dans la maison,
Et il est mort dans la nuit ;
Il est mort dans la nuit,
Et il faudra à présent l’enterrer. —
— Dites-leur de chanter gaiment,
J’ai de l’argent, et je leur en donnerai. —
La jeune comtesse demandait
Encore à sa belle-mère, ce jour-là :
— Où donc est resté mon mari ?
Il ne vient plus me voir ;
Il ne vient plus me voir,
Comme il en avait l’habitude. —
— Vos paroles m’étonnent, ma fille ;
Vous n’êtes pas encore purifiée. —
- ↑ (1) Dans les campagnes du pays de Tréguier et de Lannion, les femmes
qui sont en deuil laissent flotter sur leurs épaules les deux ailes de leurs coiffes blanches.