Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/77

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chaumière, non loin de l’ancienne abbaye de Bégar. Il se faisait vieux, et comme sa femme, Marguerite Kerlogod, était morte depuis quelques années déjà, il était resté seul avec un fils, un beau gars courant sur ses dix ans, intelligent et éveillé. Ennuyé de vivre si seul, Le Falc’her voulut se remarier, et il prit la fille d’un aubergiste du bourg de Gjat-Askorn, qui n’avait pas encore vingt ans. Il s’en repentit bientôt. Cette fille était une tête éventée, et elle n’aimait que le plaisir, les pardons, les danses et les parures. De plus, elle était paresseuse, comme si elle avait eu mille écus de rente, et — ce qui n’arrive que trop souvent — elle était dure et mauvaise envers le fils de son mari, qui s’appelait Jannig. Le père de Jannig partait tous les jours, de bon matin, pour aller travailler à la journée dans les fermes et les manoirs du pays, et quelquefois aussi à l’abbaye de Bégar, — car les moines possédaient une vaste étendue de terrain sous bois et pâturages, avec une haute muraille autour. Dès qu’il était sorti de la maison, la marâtre au cœur dur forçait Jannig de quitter son lit, et elle l’envoyait garder quelques maigres moutons, sur une lande, à quelque distance de là. Elle lui donnait, pour toute pitance, un morceau de pain d’orge, moisi et sans sel, et, quelque temps qu’il fît, il ne devait jamais rentrer avant le coucher du soleil.