Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/83

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il était joyeux et content, et sifflait et chantait continuellement, lui si chétif et si triste naguère. Cela lui paraissait étrange et lui déplaisait même. Un moine de l’abbaye venait souvent la voir, en l’absence de son mari, et elle lui demanda ce qu’il pensait d’un changement si subit et si complet.

— Ce garçon-là, répondit le moine, doit voler de l’argent quelque part, ou peut-être bien a-t-il trouvé moyen de pénétrer dans la cuisine de l’abbaye, où il prend de la viande, du vin et autre chose, et voilà pourquoi il se porte si bien et a de si belles couleurs. Mais laissez-moi faire ; je surveillerai le gars, et je saurai bientôt à quoi m’en tenir à ce sujet.

Le lendemain donc, le moine alla se cacher dans un buisson, sur la lande, afin de pouvoir surveiller de là le petit pâtre. Quand l’heure du dîner arriva, vers midi, Jannig fut servi comme à l’ordinaire, et il se mit à manger, sans se soucier de rien. Le moine s’élança alors de sa cachette, en criant :

— Je le savais bien ! Je t’y prends, mon drôle ! Mais, sois tranquille, dans trois jours, tu seras pendu devant la porte de l’abbaye !

— Que me veut ce démon ? dit Jannig, sans s’émouvoir. Il voudrait sans doute manger mon lard et mon rôt, et boire mon vin ; il n’y a rien