Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/85

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de ronces en grognant et en jurant. Jannig prit alors sa flûte et se mit à en jouer. Et voilà aussitôt le moine de sauter et de se trémousser parmi les ronces et les épines, en pestant et en poussant des cris arrachés par la douleur. Ses yeux brillaient, dans leurs orbites, comme deux charbons ardents. Au bout d’une demi-heure de ce manège, tout son froc s’en était allé en lambeaux, et sa chemise aussi, et il était nu. Tout son corps était lacéré et couvert de sang. Il criait : Grâce ! grâce ! d’une voix lamentable. Enfin, Jannig eut pitié de lui, et il cessa de souffler dans sa flûte. Alors le pauvre moine put sortir du buisson, et il partit, honteux et confus comme un chat fouetté. Je ne sais comment il fut reçu à l’abbaye, quand il y arriva, dans cet état pitoyable. Il fut encore heureux de ne pas rencontrer de chiens dans son chemin, car ils l’auraient dévoré. L’abbé le fit venir en sa présence, pour lui rendre compte de sa situation. Il dit qu’il avait été mis dans cet état par un jeune pâtre nommé Jannig, lequel était sans doute sorcier, et qui, de plus, volait les provisions de bouche et le vin de l’abbaye.

— Voler le vin de l’abbaye ! s’écria l’abbé.

Et il alla aussitôt trouver le juge, pour lui demander justice. Jannig fut appelé devant le juge et condamné à être pendu.

Le jour où devait être exécutée la sentence,