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Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/86

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devant l’abbaye de Bégar, une grande affluence de peuple était accourue de toutes les communes voisines. Le moine était là aussi, auprès de son amie, la marâtre de Jannig, et ils riaient et plaisantaient tous les deux. Jannig était au pied de la potence, et on apprêtait la corde. Pourtant, il ne paraissait ni inquiet ni triste, ce qui étonnait tout le monde. Il demanda, pour dernière grâce, qu’avant de lui passer la corde au cou, on le laissât jouer encore un air sur sa flûte. Le juge et l’abbé n’y virent aucun inconvénient, et ils lui dirent qu’il pouvait jouer un air. Cependant, le moine, à la vue de sa flûte, cria qu’il fallait l’empêcher de souffler dans cet instrument, parce qu’il était enchanté. Mais Jannig s’empressa de souffler dans sa flûte, et voilà aussitôt tous les assistants de se mettre en branle. Le juge, le bourreau, l’abbé, les moines, les spectateurs, tout le monde, hommes et femmes, jeunes et vieux, sautaient et gambadaient, à qui mieux mieux. Ils chantaient et riaient, et levaient leurs robes, et tournaient dans une ronde folle et irrésistible : c’était comme un véritable sabbat. En ce moment, vint à passer par la place, allant à Lannion, un marchand de bœufs de la Cornouaille, avec plusieurs paires de bœufs couplés sous le joug. En voyant cela, Jannig eut une drôle d’idée. Il souhaita que sa marâtre et son moine fussent couplés, comme les