Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/191

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vint, il s’assit sur le galet, comme d’habitude. Mais aussitôt il poussa un cri terrible et s’enfuit. En passant près du savetier, il lui lança un regard qui lui fit l’effet d’un glaive qui l’aurait transpercé de part en part.

— Enfin ! me voilà délivré de cette maudite bête, se dit Kaour, qui se félicitait déjà du bon tour qu’il avait joué au Teuz.

Et pourtant, il ne se sentait pas rassuré.

Pour se donner un peu de courage, il alla boire au cabaret de Marguerite Keravel. Il y resta jusqu’à la cloche du couvre-feu, et but plus que d’ordinaire, et chanta et rit, comme cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Quand il voulut rentrer chez lui, vers les dix heures et demie, au moment où il mettait le pied sur la passerelle du Pouliet, il vit le Teuz sur la planche, les yeux flamboyants et grinçant des dents. — Encore lui ! s’écria Kaour. Et il recula de quelques pas. Puis, revenant : — Mais je n’ai pas peur, et je passerai quand même. Retire-toi, vilaine bête, animal du diable, où je vais te jeter à l’eau ! Et il s’engagea résolument sur la passerelle. Mais le Teuz se jeta entre ses jambes et le mordit, et le fit tomber dans la rivière, d’où on le retira sans vie, le lendemain. À la morsure qu’il avait à la jambe droite, on vit bien que c’était le Teuz ar Pouliet qui était cause de sa mort.