Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vellec, il suivait la charrette sur laquelle était placé le cercueil, de buisson en buisson, d’arbre en arbre, et répondait aux chants funèbres par des miaulements et des gambades ironiques. Et quand on descendit le pauvre Malo dans le trou de terre, il était encore dans le vieil if du cimetière, ricanant et grimaçant au-dessus de la fosse. Tout le monde le remarqua bien ; mais personne ne soupçonnait la vérité, et l’on pensa même généralement que le chat regrettait tant son maître, qu’il l’avait suivi jusqu’à sa dernière demeure.

La cérémonie terminée, il disparut, et on ne le revit plus au moulin de Kervégan.

Voilà ce que la pauvre Jeanne me conta en pleurant. Et ne vous semble-t-il pas évident que Malo Kerdluz avait été tué par son chat, aidé des autres chats du quartier, pour venger la mort de leur roi Raoul ? Pour moi, je n’en puis douter, après ce récit et tout ce que je vis et entendis, la nuit où Malo tua d’un coup de fusil le vilain matou noir que vous savez, près de l’étang de Kervégan.

— Votre histoire est effrayante, Pipi Gouriou, dit la cuisinière, et j’aurais voulu ne l’avoir point entendue, car désormais je ne pourrai plus voir un chat sans songer à la mort tragique de Malo Kerdluz.