Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 1 1890.djvu/47

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de fidélité. Mais, il n’en a jamais eu le monopole. Il les a conservés, transformés, marqués à l’effigie de sa personnalité ; il ne les a pas créés de toutes pièces. L’Armorique, en tant que terre, a des parentés avec mille autres paysages ; comme race, elle est la sœur de toutes les races aryennes. Elle a vieilli, si l’on veut, sans chercher à se renouveler ; elle a gardé le plus intact possible sa part de l’héritage familial, elle en a vécu, sans prétention à l’accroître, sans désir de l’améliorer, mais, en somme, il n’y a rien dans ce patrimoine primitif qu’elle puisse revendiquer comme n’appartenant qu’à elle. Cela est vrai de ses mœurs, et vrai aussi de ses chansons. Celles-ci ont des ressemblances frappantes avec les chants des autres provinces de France, et, de façon générale, avec les chants populaires européens. Les idées et les sentiments qui y sont exprimés se retrouvent partout, identiques. L’expression seule diffère. À ce point de vue, on remarquera, je pense, combien est décent et délicat, dans les « sonniou », le poème de l’amour, le Cantique des Cantiques du peuple breton. Sur l’amour, tel qu’il se conçoit et tel qu’il se pratique chez nous, M. Renan a dit, lors de l’inauguration, à Lorient, de la statue de Brizeux, les choses les plus justes et naturellement les plus, exquises. Chaque peuple a sa façon d’aimer. La femme trône dans le cœur du Celte, comme une souveraine mystique. Il a inventé pour elle cette délicieuse appellation : « ma douce ». Pour aller saluer la bien-aimée, il use jusqu’à trois paires de sabots, sans être plus avancé qu’au premier jour, sans même se préoccuper un instant s’il est aimé de celle qu’il aime. Oui vraiment, les Bretons sont une race d’idéalistes ! Notez qu’en aimant avec cette abnégation chevaleresque, ils savent hélas ! l’inanité de l’amour, et l’éternelle duperie dont il berce le monde ! On le voit, à tant de fins de pièces, qui s’exhalent en sanglots plaintifs. Peut-être encore observera-t-on de quelle tendresse