Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 1 1890.djvu/48

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bouddhiste nos paysans enveloppent la création, et plus spécialement les bêtes. M. Luzel a insisté sur ce point, dans la préface de ses contes. Le Breton est secourable et bienfaisant envers ces « frères inférieurs » de l’homme. Il se représente le monde comme hanté par des âmes. L’universelle « Psyché » lui apparaît dans les choses, à plus forte raison, dans les êtres. Les bêtes sont pour lui des animaux, au sens propre du terme. Il les tue par nécessité, mais en les plaignant. Il se fait leur exécuteur testamentaire. Il y a de l’ironie dans les « dernières volontés » qu’il leur prête, mais, il y a aussi je ne sais quelle tendresse compatissante. Pendant que la femme Mao me chantait le « Testament de la vieille jument », je ne pouvais m’empécher de sourire, et pourtant je me sentais remué jusqu’au fond de l’âme.

Mais, ce que je fais là est presque de l’exégèse littéraire. D’autres s’en acquitteront, avec une plus entière compétence. J’arrive bien vite à la classification des « Sonniou » que M. Luzel et moi nous avons cru devoir adopter. Elle soulèvera, je suppose, plus d’une critique. Je n’essaierai pas de la justifier. Nous ne nous sommes arrêtés à celle-là qu’après en avoir tenté plusieurs autres. Les meilleures classifications sont toujours quelque peu arbitraires. On pourra faire à la nôtre, ce reproche, que telle chanson, rangée sous tel chef, serait aussi bien à sa place dans une catégorie voisine. Nous n’en disconviendrons pas. Nous avons pensé que la méthode par nous suivie aurait pour elle, à défaut d’autre mérite, sa simplicité. Nous avons imaginé les « sonniou » comme escortant le Breton, à travers les étapes de sa vie, endormant ou amusant son enfance, célébrant ses amours et les plaisirs de sa jeunesse, assistant à son mariage, pour l’en féliciter, l’en railler, ou l’en plaindre, égayant ses soirées, après le rude labeur du jour, de récits facétieux ou de satiriques allégories, lui enseignant pour les cas de maladie des incantations naïves, lui donnant enfin des