Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/109

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selon lui, rachète bien des défauts. Enfin, en causant, près du feu, on arriva, je ne sais comment, à parler de revenants. Tout-à-coup, se tournant vers moi, il dit : — mais, que faisons-nous donc là ? parler de revenants et d’histoires de bonnes femmes devant un artilleur qui vient de prendre Constantine ! Je m’étonne qu’il ne soit pas déjà parti d’un grand éclat de rire, en nous traitant de visionnaires et de superstitieux.

Alors, pour lui prouver combien j’étais loin de penser ainsi, je lui racontai ce que je viens de vous raconter, et quand j’eus fini, voici l’explication qu’il m’en donna.

— Eh ! bien, Pipi, voici ce que je pense de tout cela : le bonhomme que vous vîtes passer d’abord, précédé d’une clochette, était votre bon ange. S’il vous eût trouvé sur la route, il vous en eût écarté. Quant au cavalier qui vint après, c’était le diable, et s’il vous eût trouvé seul sur son passage, il vous eût broyé sous les pieds de son cheval.

— C’est une explication, qui en vaut une autre : est-ce la vraie ? je n’en sais rien.

— Je parie, monsieur le curé, lui dis-je alors, que vous croyez aussi aux revenants, aux apparitions surnaturelles, et sans doute vous en avez même vu ; je le devine, à la manière dont vous en parlez.

— Oui, Pipi, oui, je crois aussi aux apparitions surnaturelles ; mais, je n’y ai pas toujours cru, et, comme saint Thomas, et comme