Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/108

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de ces savants et de ces éternels douteurs dont tu parlais tout-à-l’heure, cet aveu et ces récits puissent paraître en contradiction avec ta bravoure bien connue et tes exploits dans un pays où tu as eu affaire à d’autres revenants, les Bédouins, sans jamais avoir peur, moi, je n’y vois qu’une preuve de plus de conviction et de sincérité de ta part. D’ailleurs, je soutiens que l’on peut avoir peur, sans être un poltron : et tu en es encore la preuve. Mais, as-tu essayé de trouver une explication à cette aventure étrange ?

— Ces choses sont tellement au-dessus de la portée de notre esprit, que le plus sage serait peut-être de ne pas essayer de les pénétrer. Voici, pourtant, ce qu’en pense notre recteur.

Un jour je dînais avec lui à Kerdanet. C’était quand je vins en congé de semestre, après la prise de Constantine. Après dîner, on joua un peu aux cartes, et je lui gagnai pas mal d’argent. Comme je le plaisantais sur sa perte, il me dit : — ce que je regrette le plus, ce n’est pas mon argent, mais bien l’usage que vous en ferez.

— J’entends bien, monsieur le recteur ; vous l’auriez si bien sanctifié, n’est-ce pas, par des aumônes bien placées, tandis que, dans mes mains, il est exposé à être dépensé dans les auberges, ou à courir le guilledou ! Soyez toujours certain qu’il ne moisira pas au fond d’une armoire.

Il en rit, parce que c’est un prêtre comme je les aime, estimant beaucoup la franchise qui,