Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/123

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l’ermite, mon père, et, si vous le permettez, j’irai le voir.

— Qu’irais-tu faire là, mon fils ? Mon frère, d’ailleurs, ne pourrait te recevoir convenablement. Tu n’as pas idée, à ce que je vois, de ce que c’est qu’un ermite. C’est un homme retiré du monde, qui passe toute sa vie à prier et à se mortifier, qui n’a pour toute nourriture que des racines d’herbes et quelques fruits sauvages, à l’automne, et qui couche sur la terre nue, avec une pierre pour oreiller. Vois, si ce genre de vie te conviendrait, car mon frère ne pourrait guère te traiter mieux que lui-même.

— Tout cela ne m’effraye pas, mon père, et je vous supplie de me permettre d’aller voir mon oncle, à son ermitage.

Le père ne put résister aux instances de son fils, et Mabik partit, un beau matin, pour la forêt du Crannou. Arrivé dans le bois, il le parcourut en tous sens et découvrit enfin une hutte construite avec des branches d’arbres, contre le tronc d’un vieux chêne. Sur le seuil était agenouillé un vieillard à longue barbe blanche, les mains jointes et les yeux tournés vers le ciel. L’enfant, à cette vue, s’arrêta, frappé d’admiration, et, comme le vieillard ne paraissait pas le voir, il s’agenouilla comme lui et pria aussi. La prière de l’ermite fut longue. Quand il se releva, Mabik s’avança vers lui, son bonnet à la main, et lui dit :

— Bonjour, mon oncle l’ermite.