Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/188

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tirés d’affaire, lui dit le cheval. Cette fois-ci, je ne réponds de rien ; c’est notre dernière épreuve, mais, je crains bien que nous y succombions. Retourne vers le roi, et demande-lui encore ma charge d’argent et d’or, car je t’accompagnerai, dans ce voyage, et, sur ton chemin, tu feras l’aumône à tous les pauvres que tu rencontreras. Tu prendras aussi deux fioles, pour mettre l’eau de mort et l’eau de vie. Notre voyage sera long, bien long.

Petit-Louis obtint du roi l’argent et l’or qu’il lui fallait, et il se remit en route, avec son vieux cheval.

Après avoir longtemps battu les routes, ils arrivèrent dans une grande forêt, à environ trois lieues des deux fontaines merveilleuses

— À présent, dit le cheval à son compagnon, il te faudra me tuer…

— Dieu, que dites-vous là ? vous tuer ! je n’en aurai jamais le courage !

— Fais-le, puisque je te le dis. Quand je serai mort, tu m’ouvriras le ventre et tu te cacheras parmi mes entrailles encore chaudes. Un corbeau descendra alors sur mon corps, et un autre corbeau, qui sera dans l’arbre, au-dessus, lui demandera : — Est-ce frais ? — Frais-vivant ! répondra le premier corbeau ; et alors, l’autre descendra aussi. Prends-les, tous les deux, si tu peux, ou du moins, un des deux, car autrement, nous sommes perdus. Si tu réussis à prendre les deux corbeaux, tu attacheras une fiole à chaque pied de l’un