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Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/260

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non, je ne la prendrai pas !… Le marchand, arrivé près du sac, s’arrêta, étonné de ce qu’il voyait et entendait, et il demanda :

— Que signifie ceci ? Qui êtes-vous ? Que faites-vous là, dans ce sac, et qu’est-ce que vous ne voulez pas prendre ?

— Ah ! mon brave homme, vous voyez ici quelqu’un de bien malheureux. Je me nomme Bilz, et l’on m’a mis dans ce sac et je dois être jeté à l’eau, pour être noyé, parce que je ne veux pas épouser la fille du seigneur du château voisin, qui est pourtant bien jolie et bien riche ; mais, elle a déjà eu un enfant ; et puis, j’aime une autre jeune fille du pays.

— Ah ! vraiment, elle est jolie et riche, dites-vous ?

— Oh ! mais jolie comme un ange du ciel, et riche, si riche, qu’il n’y a pas une héritière à dix lieues à la ronde qui en approche. Son père a dans sa cave trois barriques d’argent ; je les ai vues.

— Ah ! vraiment ?… Eh ! bien, mais, je la prendrais bien volontiers, moi.

— Rien n’est plus facile : mettez-vous dans le sac, à ma place, et quand on viendra tout-à-l’heure pour vous noyer, criez bien fort : — Je la prendrai ! je la prendrai ! — et tout s’arrangera pour le mieux.

— C’est entendu, répondit le marchand, et je vous laisse même mes chevaux avec leur charge.

Alors, le marchand crédule dénoua le sac, et