Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/261

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Bilz en sortit lestement et lui céda la place. Il noua les cordons sur lui, lui souhaita beaucoup de chance et de bonheur avec sa femme, puis, il prit la route de Lannion, en faisant claquer son fouet et chassant devant lui les chevaux du marchand, maintenant les siens. Tôt après, le seigneur du Kerouez, sa femme, sa fille et tous les gens du château revinrent, pour assister à la noyade de Bilz, et se promettant beaucoup de plaisir. Le marchand, en les entendant venir, se mit à crier : — Je veux bien la prendre !… Je veux bien la prendre !…

— Qu’est-ce qu’il dit ? prendre quoi ? lui demanda le seigneur.

— Votre fille, monseigneur.

— Comment, manant ? s’écria le seigneur, furieux ; tu oses encore m’insulter à ce point, dans la situation où te voilà ! Je t’aurais pardonné, peut-être, car j’ai bon cœur ; mais, à présent, ton affaire est claire.

Et se tournant vers ses gens :

— Allons, qu’on le jette immédiatement à l’eau.

Le marchand, alarmé de la tournure que prenait l’affaire, criait dans son sac :

— Il y a erreur ! J’ai été trompé et je ne suis pas celui que vous croyez. De grâce, ouvrez le sac, et vous le verrez bien.

Mais, on ne l’écouta pas ; on le jeta à l’eau, et, comme il coula tout de suite au fond, la dame dit :