Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/270

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trois, presque tous les soirs, conta ensuite le conte que voici :

X

COCHENARD ET TURQUIN


Il y avait une fois deux jeunes orphelins, deux frères, qui mendiaient leur pain de seuil en seuil, par le pays. L’un, l’aîné, s’appelait Cochenard, et l’autre, Turquin. Ils ne se quittaient jamais, et où allait l’un, l’autre allait aussi. Ils avaient vers douze ans, qu’ils n’avaient jamais rien fait que mendier, et l’on trouvait qu’il était temps qu’ils commençassent à travailler, pour gagner leur pain, et l’on était déjà moins charitable pour eux. Voyant cela, ils changèrent de quartier, et Cochenard, qui était plus déluré, mais aussi d’un plus mauvais naturel que Turquin, dit un jour à son frère :

— Je sais bien, moi, ce qu’il faudrait faire pour être bien reçu partout, et pour qu’on nous donnât volontiers nourriture et logement, dans les fermes, et aussi beaucoup de sous, aux foires et aux pardons.

— Quoi donc ? demanda Turquin, intrigué.

— Si l’un de nous était aveugle, et que l’autre le menât de maison en maison et de pardon en pardon, nous ne manquerions de rien.