Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/277

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par Dieu, dans mon pays ! Mais, peut-être serai-je mieux reçu des pauvres gens, car, jusqu’ici, je ne me suis adressé qu’aux riches. Il rencontra sur la rue une jeune fille qui pleurait, et dont les vêtements indiquaient peu d’aisance. Il alla à elle et lui demanda :

— Pourquoi pleurez-vous de la sorte, jeune fille ?

— Hélas ! ce n’est pas sans raison, répondit-elle ; mon père et ma mère et mes deux frères sont morts de soif !

— Eh ! bien, moi, ce n’est pas de soif que je mourrai, mais bien de faim, puisque personne ne veut me donner un morceau de pain, dans cette ville.

— Venez avec moi, et je vous donnerai votre part du peu que j’ai, et vous logerai de mon mieux.

— Dieu vous bénisse et vous le rende, un jour.

Il accompagna la jeune fille jusqu’à sa maison, et elle lui donna un morceau de pain noir et moisi, qu’il mangea de bon appétit.

— Je ne puis vous donner ni eau, ni lait, ni vin, ni cidre, dit-elle, et moi-même je ne tarderai pas à mourir aussi de soif, comme mon père, ma mère et mes frères.

— Prenez votre pot à eau, lui dit alors Turquin, et suivez-moi.

Et ils se rendirent tous les deux près du rocher qui était au milieu de la ville. Turquin avait sa racine à la main, et il en frappa trois