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Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/289

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mon frère, et, feignant de m’être égaré, je lui dis qu’il fallait passer la nuit dans le bois. Nous nous arrêtâmes sous cet arbre même, et quand je vis que mon frère dormait bien, je m’enfuis, l’abandonnant seul, sans pain et sans argent. Je ne sais ce qu’est devenu mon pauvre frère : les bêtes féroces l’auront sans doute dévoré. Mais, Dieu ne tarda pas à me punir. Je dépensai follement mon argent, et, comme je ne voulais pas travailler, je tombai dans la plus affreuse misère, comme vous le voyez. Je suis bien puni ; mais, je le reconnais, je l’ai mérité, et je suis venu mourir sous ce même arbre où j’avais abandonné Turquin.

Turquin, touché jusqu’aux larmes, s’écria alors : — Je suis ton frère ! ne me reconnais-tu pas, Cochenard ? Et il l’embrassa avec émotion. Console-toi, mon pauvre frère ; je te pardonne du fond du cœur. Je vais aussi te guérir, puis je t’emmènerai avec moi dans mon palais, où tu ne manqueras de rien, pendant que tu vivras, car Dieu m’a favorisé, et je suis devenu riche.

Et, avec son poignard, il fit une entaille au tronc de l’arbre, en enleva un morceau d’écorce et le mit dans sa poche. La chasse finit alors. Cochenard fut mis sur un cheval, et, comme il ne pouvait se tenir en selle, son frère le prit en croupe, et on retourna au palais.

Tout le monde était dans l’étonnement, et