Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/60

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des personnes de condition, d’intelligence, d’instruction et d’âges si différents, que je n’hésite pas à déclarer que je crois à l’existence de ce que l’on appelle ordinairement le surnaturel, dans ce monde. Mais je crois aussi qu’il y a certaines dispositions d’esprit, certaines organisations privilégiées pour la perception des phénomènes de cet ordre mystérieux. Voici du reste la seule chose un peu extraordinaire dont j’aie jamais été témoin : — C’était à Kercabin, vieux château, près de Pontrieux, sur lequel il courait de singuliers bruits, et que l’on disait hanté par toutes sortes d’hôtes mystérieux. J’y étais allée veiller ma grand’tante, qui se mourait. La pauvre tante s’éteignit doucement, à l’âge de 80 ans ; son âme quitta paisiblement et comme sans regret son corps flétri par la vieillesse, usé par les travaux et les douleurs d’une vie longue et laborieuse. Nous passâmes la nuit autour de son lit, faisant des lectures pieuses, et récitant les prières habituelles des veillées des morts. Nous étions là une vingtaine de personnes. — À une heure très-avancée de la nuit, nous entendîmes tous, très-distinctement, le pas d’un cheval arrivant au grand galop sur le pavé de la cour. Ma tante, la fille de la défunte, dit aussitôt : « Voilà mon frère le prêtre qui arrive ! il n’a pas perdu de temps. » Puis, s’adressant à un domestique : « Allez le recevoir, Fanch Vraz, et mettre son cheval à l’écurie. » — Deux domestiques sortirent aussitôt. Du haut du