Aller au contenu

Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlait de bruits nocturnes, d’une Demoiselle aperçue, etc… Mais, il y avait si longtemps qu’on n’avait rien vu ni entendu d’extraordinaire, que l’on croyait qu’il y avait prescription, et que les esprits de l’autre monde n’avaient plus aucun droit céans. D’ailleurs, nous y avons tous couché, un jour ou l’autre, et personne ne se plaignait des visites de la Demoiselle. On ne se faisait donc aucun scrupule d’y envoyer coucher les hôtes du château, quand l’occasion s’en présentait.

Un jour, qu’un fermier était venu payer son terme de la Saint-Michel, le temps devint si mauvais, vers le soir, pluie, vent, tourmente, et il avait si loin à faire pour retourner chez lui, qu’on le pria d’attendre jusqu’au lendemain, et de passer la nuit au château. On l’envoya coucher dans la Chambre blanche.

Le lendemain, il était de bon matin à la cuisine du château. Il arriva aussitôt que les servantes ouvrirent les portes. Il avait froid, il était pâle. Il s’assit sur un escabeau, au coin du feu, et se mit à fumer sa pipe, silencieux et l’air pensif. Quand descendit ma tante, vers huit heures, le voyant là, si rêveur et si triste, elle lui dit :

— Qu’avez-vous donc, Marc ? je vous trouve bien triste, ce matin.

— Je n’ai rien, madame.

— Si, il y a quelque chose, car vous n’êtes pas ainsi ordinairement, et hier soir, quand vous êtes allé vous coucher, vous étiez gai et content. Est-ce que vous seriez indisposé ?