Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/81

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si malin, et que tu prétends tout expliquer, tâche donc de me tirer au clair ce que je m’en vais raconter.

— Comment, vous aussi, Pipi, vous croyez aux revenants ? dit Ann Drane.

— J’ai d’excellentes raisons d’être un peu moins incrédule que vous, à cet endroit, Ann Drane, et, en le disant, je ne crains pas que l’on se moque de moi. On sait bien que je ne suis ni peureux, ni poltron, et je me suis trouvé souvent, en Afrique et ailleurs, dans des passes difficiles dont je me suis tiré à mon honneur, et où je me suis comporté de manière à ne pas permettre le moindre doute à cet égard. Mais, arrivons au fait ; écoutez-moi un moment, puis Ewenn et Ann Drane me donneront l’explication de tout ce que je vais vous dire.

Je demeurais alors à Rune-Riou, une maison où j’aurais voulu vous voir pendant huit jours seulement, Ann Drane, pour éprouver un peu votre courage et votre incrédulité. Une nuit, je revenais de Kerarborn, où je m’étais attardé à jouer aux cartes. Après avoir passé le moulin du Pont-Meur, j’entrai dans le petit taillis qui, comme tu le sais, Ewenn, et toi aussi, Francès, est à l’extrémité levant de la prairie dont l’extrémité opposée touche aux bâtiments de Rune-Riou. Un sentier étroit traversait ce petit taillis, et j’y avais à peine fait quelques pas, qu’une voix nette et intelligible cria assez près de moi : — Pipi ! —