Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/85

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surnaturel. Toi, Katel, tu as déjà entendu, et plus d’une fois, conter ces histoires des lutins de Rune-Riou, soit à moi, soit à ma sœur ou à d’autres, et Ewenn aussi.

— Oui, certainement, répondit Katel, et il n’est pas un ancien domestique de Rune-Riou qui n’ait long à conter là-dessus. Ainsi m’a-t-on assuré que, même en plein jour, on y entendait remuer les marmites, la vaisselle, et cependant on ne voyait jamais rien. J’ai aussi entendu dire à ta sœur que, pendant l’été, après souper, on se réunissait souvent dans l’aire à battre ou dans le jardin, pour causer et jouer à différents jeux, et personne, alors, ne restait dans la maison ; et cependant, on y entendait très-distinctement marcher, remuer les objets, causer et rire, comme s’il y avait eu une douzaine de personnes. L’ancienne maison a été démolie, une autre a été bâtie sur l’emplacement, mais il paraît que les lutins ont délogé.

— Tout cela est parfaitement vrai, reprit Pipi. Mais voici ce que je voulais vous raconter.

Pendant le carnaval, le mardi gras, je crois, de je ne sais plus quelle année, ma sœur, mon frère et tous les domestiques étaient allés souper chez ma mère, à Guergarellou. J’étais resté seul à la maison. J’avais allumé un grand feu dans la cuisine, puis j’avais pris un livre, la tragédie bretonne de Sainte-Triphine, ma foi ! et je lisais tranquillement, assis dans le grand fauteuil de chêne de mon grand père.