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Depuis deux jours, j’avais remarqué une agitation extraordinaire dans la ville. Ce n’étaient qu’allées et venues, conférences, préparatifs mystérieux. Devant les hôtels des journaux, une foule stagnait, anxieuse, dans une grande impatience de nouvelles. Qu’attendait-elle ? quoi ?

Je viens d’en avoir l’explication. Il paraîtrait qu’aujourd’hui, ce soir, à 11 h. 15′ 34″, la comète de Campy (du nom de l’astronome qui l’a découverte) doit entrer en collision avec la terre. L’anéantissement du globe doit s’ensuivre.

Ainsi, un millénaire exactement est révolu et l’épouvante qui avait secoué l’humanité la ressaisit. C’est la terreur de l’An Mille qui renaît, plus forte que tout, incompressible. Car, au lieu d’être irraisonnée et déraisonnable, comme au Moyen Age, elle se légitime par des calculs cent fois vérifiés et s’aggrave de toutes les probabilités que donne la Science. Les prévisions mordent encore sur notre positivisme, si les prophéties n’ont plus prise sur notre incrédulité.

La peur consterne Herriopolis. J’ai vu des gens enjamber l’invraisemblable passerelle tendue comme un arc-en-ciel métallique entre les collines jumelles de Fort-Vieux et de Montcanut. Pauvres Gribouilles, qui se tuent de peur de mourir !…

J’ai voulu partir, pendant que j’en ai le loisir encore, quitter ces confins du Temps, revenir en arrière, regagner le XXe siècle natal. J’ai enfourché la Machine. Mais elle n’a pas obéi à la manœuvre : des organes doivent être faussés. Je n’arriverai jamais à la mettre en état !… Je suis condamné à mort.

Et pourtant, s’ils se trompaient, ces astronomes, avec toutes leurs certitudes ?

10 heures du soir. — L’Instant approche. Je me suis résigné. Je suis monté à Fort-Vieux. On est