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et de la Croix-Rousse, où s’entassaient naguère des bâtisses nauséabondes, mieux faites pour servir de tanières à des animaux que de logis à des êtres humains, s’étageaient des villas élégantes, entourées de jardins qui rappelaient ceux que Sémiramis, dit-on, suspendit autrefois aux murailles de Babylone. Entre les fleuves du Rhône et de la Saône, qui, avant de se réunir et de s’enlacer au confluent de la Mulatière, entourent amoureusement la presqu’île de leurs bras, on avait réalisé de plus belles choses encore, et Candide ne cessait de s’extasier devant les merveilles qui, à chaque pas, s’offraient à sa vue.

Ce qui l’étonnait le plus, c’est que dans cette ville grandiose, où des bosquets, des parcs, des places plantées d’arbres, des fontaines alimentées par des eaux jaillissantes entretenaient des courants de fraîcheur délicieux et faisaient surgir, au moindre carrefour, des visions de décors charmants, tout respirait la joie et le bien-être, et qu’il n’arrivait pas à y découvrir les indices des souffrances et des misères qui devaient pourtant s’y rencontrer comme partout où il y a des hommes.

« — Pangloss, mon cher Pangloss, s’écriait-il, je vous ai méconnu et je vous en fais amende honorable. Vous reconnaîtrez que j’avais quelque excuse, après les maux que j’ai soufferts, à m’inscrire en faux contre les conclusions de votre philosophie, et à contester que tout fût pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je vois bien que je m’étais trop hâté de juger du reste de l’univers par moi-même, et qu’il est, sur le globe, un coin de terre au moins dont les habitants paraissent satisfaits de leur sort. Mais me direz-vous par quel miracle cette ville s’est soudain transformée et embellie, et comment il se fait que ces Lyonnais qui, jadis, auraient pu disputer à l’illustre Don Quichotte de la Manche le titre de chevaliers de la triste figure, montrent tous aujourd’hui des mines souriantes et épanouies ?