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Page:Lyon en l an 2000.pdf/25

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« — Rien n’est plus aisé, répondit Pangloss, que de satisfaire votre curiosité. Mais il convient d’abord que je vous fasse un aveu. Je vous avais caché jusqu’ici l’existence d’un fils, héritier et apôtre de mes doctrines. C’est à lui que revient l’honneur des changements que vous admirez. Il s’appelle Pan, et ce nom qui, bien qu’il ne soit que la moitié du mien, en dit plus que lui dans ses trois lettres, aurait pu vous révéler déjà le secret de sa filiation. Instruit à mon école et pénétré de l’excellence de mes principes, il est venu un jour dans cette ville et, comme un autre Messie, il a entrepris d’y prêcher la bonne nouvelle de l’optimisme. Les braves gens un peu tristes que vous y avez connus s’imaginaient qu’il n’était rien au monde que d’examiner au compte-fil des flottes de soie, de fabriquer ou d’auner des étoffes et d’amasser à ces exercices beaucoup d’argent. Quand ils avaient fermé leurs boutiques ou leurs ateliers, ils étaient fort embarrassés de leurs loisirs, et le repos n’était pour eux qu’une forme de l’ennui. Sans méconnaître le mérite et l’utilité du travail, il s’est mis en tête de leur démontrer qu’ils devaient réserver une part de leur activité à d’autres occupations et à d’autres distractions que celles auxquelles ils se livraient. Ses leçons ont porté leurs fruits. Les arts fleurissent maintenant dans cette cité ; des académies sans nombre, qui sont autant de foyers de vie intellectuelle, y répandent et y entretiennent le goût de la beauté sous toutes ses formes. À mesure qu’ils se sont façonnés et affinés, les Lyonnais se sont avisés de la laideur des maisons et des monuments qu’ils avaient longtemps considérés comme supérieurs en élégance aux temples les plus beaux de l’ancienne Grèce, et ils ont peu à peu rebâti leur ville sur le plan dont la flatteuse harmonie réjouit vos yeux. Puis, comme l’éducation de l’esprit a presque toujours les plus heureux effets sur les sentiments et sur les mœurs, ils sont devenus meilleurs, plus tolérants, plus généreux, plus compatissants, en même temps que