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bre d’élus. L’immense majorité des citoyens naissait intellectuelle, incapable d’exprimer autrement son activité que par des équations ou par des phrases, tourbe immense de professeurs, d’avocats, de sociologues, de médecins, de polytechniciens et de gratte-papier qui luttaient âprement pour une existence avare. L’acuité des sens et la force physique, au contraire, apanages d’une élite sans cesse plus rare, destinaient au bonheur leurs orgueilleux bénéficiaires : le mécanicien, le forgeron, le charpentier, le maçon jouissaient de toutes les faveurs et goûtaient commodément à toutes les joies de ce monde. Dans le prolétariat intellectuel grondaient parfois de sourdes révoltes contre cette oligarchie du muscle, mais celle-ci, supérieurement organisée, défiait toute révolution. Entre ses mains se trouvait, d’ailleurs, l’Institut de Calligénésie qui, par des accouplements judicieux, perpétuait les types essentiels de l’espèce et présidait au recrutement des Écoles. L’Institut constituait la clé de voûte, la forteresse, le symbole du régime : le commander, c’était gouverner. Les anarchistes de ce temps-là ne projetaient point de marcher contre l’Élysée, mais de s’emparer du grand Haras national.

Telle était la société de l’an 2000, société pondérée, mathématique, fatale, élevant jusqu’à la hauteur d’un culte son amour du réel, du nécessaire, du légal, et, par là, dure aux oisifs, aux inutiles, féroce aux abstracteurs de quintessence et constructeurs de chimères qui se fourvoyaient parfois dans ses rangs et troublaient sa lourde sérénité.

Lion, jadis seconde ville de la France, en était devenue la capitale.

L’homme déboucha sur une place où s’élevaient d’énormes palais. Au fronton de l’un d’eux se détachaient ces mots : « Hôtel des Distributions » et des gens affairés