Page:Lyriques grecs - traduction Falconnet.djvu/490

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profession destinée à être bientôt méprisée, mais qui était, à leur cour, le chemin le plus sûr pour arriver à la faveur du prince.

Bientôt après, notre poëte fut admis dans ce fameux musée où Ptolémée Philadelphe, par une magnificence vraiment royale, se plut à rassembler tout ce qu’il parut de savants hommes et d’artistes célèbres durant son règne, de quelque pays qu’ils fussent. Là, profitant du loisir et des facilités que la libéralité de ce prince y procurait à tous ceux qu’il y avait reçus, il composa ce grand nombre d’ouvrages de tout genre qui lui valurent pendant sa vie l’estime du souverain, et lui assurèrent, après sa mort, un rang distingué parmi les littérateurs. S’il n’est pas certain qu’il ait été chargé en chef du soin de la bibliothèque d’Alexandrie, comme plusieurs écrivains modernes l’ont avancé sans preuves, on sait du moins très positivement que Philadelphe, ainsi que son successeur Évergète, lui témoignaient la plus grande considération.

Sa reconnaissance fut au moins égale aux bienfaits. On voit dans ses hymnes qu’il ne laissait échapper aucune occasion de louer ceux dont il avait reçu tant de marques de bonté. Tantôt il les met au-dessus de tous les autres rois, tantôt il les égale aux dieux mêmes. Il est vrai que les grandes qualités de ces princes et l’éclat de leur règne semblaient autoriser les poëtes, qui d’ailleurs se voyaient particulièrement l’objet de leurs faveurs, à leur prodiguer les louanges. Mais on ne peut leur pardonner d’avoir encensé des faiblesses : car, quoique les mariages incestueux fussent tolérés par les lois de la Grèce et de l’Égypte, il sera toujours difficile d’excuser dans le fils et le petit-fils de Lagus, la passion effrénée qu’ils conçurent, et à laquelle ils cédèrent l’un et l’autre, en épousant leurs propres sœurs. Callimaque ne craignit point, ce semble, de mériter ce reproche, dont malheureusement les gens de lettres ne sont pas toujours exempts ; il n’en rougissait pas même encore dans sa vieillesse, à cet âge où l’on devrait naturellement être moins empressé de flatter les grands, dont la faveur devient moins précieuse à mesure que l’avenir se ferme devant nous. Ce fut à la fin de sa vie qu’il composa ce poëme sur la chevelure de Bérénice, dont Catulle fit dans la suite une traduction latine qui nous est parvenue, tandis que l’original s’est perdu.

On a peine d’abord à concilier cette conduite avec le désinté-