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ressement dont il faisait parade ; car il se vantait quelquefois de n’avoir jamais vendu sa plume, comme avaient fait souvent bien d’autres poëtes, tels que Simonide. Peut-être était-il plus jaloux d’avoir du crédit que d’acquérir des richesses ; peut-être le commerce des rois fut-il en effet plus utile à sa réputation qu’à sa fortune. Une épigramme qui paraît lui être attribuée avec bien plus de fondement que celle dont nous avons déjà parlé, semble prouver qu’il vécut dans la pauvreté. Cependant il est difficile de penser que Philadelphe et son successeur eussent laissé dans l’indigence un homme dont ils aimaient la société.

L’enjouement de son caractère et son goût pour le plaisir, autant qu’on peut en juger aujourd’hui, contribuèrent, ainsi que ses talents, à le faire admettre dans la familiarité de ces princes. Un distique fait pour être inscrit sur son tombeau nous apprend qu’il était aussi aimable convive qu’agréable versificateur, et qu’il savait placer à propos un bon mot. Soit que cette épitaphe eût été composée d’avance par lui-même, comme on le croit communément, soit qu’elle fût l’ouvrage d’un de ses contemporains, il est probable que la louange qu’il y reçoit ne lui était point disputée[1].

Cependant la vie sérieuse et appliquée lui plut toujours davantage. Il nous reste un fragment d’une pièce philosophique, dans laquelle il regrettait le temps perdu pour l’instruction, et ne se rappelait avec satisfaction que les veilles qu’il avait consacrées à l’étude. L’amour avait dû l’en distraire plusieurs fois. Nous savons qu’il était marié, et comme la femme qu’il avait épousée était étrangère[2], il y a lieu de croire que l’inclination seule avait décidé de cet établissement. De plus, Ovide nous apprend que Callimaque avait été longtemps épris d’une maîtresse dont il célébrait souvent les charmes dans ses écrits. De pareilles faiblesses, que les hommes en général se pardonnent aisément, deviennent quelquefois un avantage pour les poëtes, surtout lorsqu’on voit la sensibilité de leur ame passer dans leurs écrits, et que le feu de leur génie (s’il est permis de parler un moment leur lan-

  1. Voici le sens de ce distique :

    Sous ce marbre funeste où s’adressent tes pas,
    Du neveu de Battus la cendre en paix sommeille ;
    Jadis par ses beaux vers il charmait notre oreille
    Et par ses mots plaisants égayait nos repas.

  2. C’était la fille d’un Syracusain nommé Euphratès.