Page:Lyriques grecs - traduction Falconnet.djvu/492

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gage) s’allume au flambeau de l’amour. Tel fut apparemment l’effet de cette passion sur Callimaque, et ce fut sans doute à l’expression touchante de ses sentiments qu’il dut ses succès dans un genre de poésie dont le mérite consiste communément à peindre les mouvements du cœur, les plaisirs, et plus souvent encore les peines des amants. Je veux parler des élégies. Callimaque en avait composé un grand nombre, dont aucune n’est parvenue jusqu’à nous. La plupart des auteurs anciens qui ont pu les connaître, ceux même qui passent encore avec raison pour des oracles en matière de goût, lui accordaient la supériorité sur presque tous les poëtes qui avaient laissé des pièces de ce genre. Horace ne mettait au-dessus de lui que Mimnerme, et Quintilien le plaçait au premier rang.

D’après toutes ces particularités, l’on pourrait penser que sa conduite se rapprochait beaucoup de la philosophie d’Épicure ; on a cru même pouvoir inférer de quelques-unes de ses épigrammes qu’il ne croyait point à l’immortalité de l’ame. Cependant il est plus probable que ses principes, au fond, étaient les mêmes que ceux des Pythagoriciens. D’ailleurs, la nature de ses principaux ouvrages semble attester son attachement à la religion de son pays ; la plupart roulaient sur la fable, qui tenait tout entière au système théologique des anciens, et ses hymnes surtout annoncent un cœur pénétré de respect pour les dieux, dont il y célèbre la puissance. Rarement un auteur traite avec dignité les sujets qu’il méprise, et Racine, incrédule, n’eût jamais fait Athalie.

Une tache réelle que son propre témoignage imprime à sa mémoire, c’est un penchant visible à ce libertinage criminel que des exemples fameux faisaient excuser chez les Grecs, et dont il paraît se vanter lui-même dans plusieurs épigrammes. Disons, pour le disculper, ce que Martial a dit depuis pour sa propre défense, que sa vie peut-être était plus chaste que ses vers, et que ses attachements ne passaient point les bornes prescrites par l’amitié. Il faut même ajouter qu’il en eut certainement de cette espèce dont la vertu la plus austère ne put jamais rougir. Il conserva toute sa vie les sentiments d’estime qu’il avait conçus pour Héraclite d’Halicarnasse, poëte élégiaque, qui l’avait reçu avec affection dans ses voyages. Quoiqu’ils eussent vécu dans la suite éloignés l’un de l’autre, quoique la rivalité de gloire eût pu naturellement affaiblir sa reconnaissance, il n’en fut pas moins