Page:Lyriques grecs - traduction Falconnet.djvu/494

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rilité de l’imagination de l’écrivain, affectant de débiter partout qu’il serait incapable de composer des ouvrages de plus longue haleine. Callimaque ne se vengea d’abord que de la manière la plus noble ; et, pour confondre un injuste critique, il publie son poëme d’Hécale[1], auquel il donna plus d’étendue qu’à tout ce qu’il avait fait jusqu’alors. Le témoignage des anciens, qui citent fréquemment cet ouvrage, doit nous être un garant non suspect du succès qu’il eut dans sa nouveauté ; mais ce triomphe, qui dut venger son amour-propre, ne put apparemment suffire pour calmer son cœur irrité par l’ingratitude d’un disciple qu’il s’était plu longtemps à former. Bientôt parut l’Ibis, pièce satirique, où désignant Apollonius sous le nom de cet oiseau dégoûtant qui se nourrit d’animaux venimeux, il le dévouait à tous les supplices de l’enfer. Ovide imita depuis cet exemple à l’égard d’un ingrat dont il eut à se plaindre au temps de sa disgrace, et son Ibis n’est qu’une imitation de la satire que Callimaque avait composée sous ce titre. L’histoire n’a point daigné nous apprendre si l’on vit enfin ces deux rivaux réconciliés, mais elle nous a transmis comme un fait singulier qu’Apollonius, après sa mort, fut mis dans le même tombeau que le poëte dont il s’était tant efforcé de détruire la réputation. Ainsi furent réunis deux hommes qui n’avaient pu s’accorder pendant leur vie ; ainsi leurs violents débats aboutirent à mêler leurs cendres dans le sein de la terre. L’équitable postérité n’entre point aujourd’hui dans leur querelle, et leur départ à chacun la portion de gloire qui leur est due : tant il est vrai que les satires personnelles influent peu sur le jugement des siècles postérieurs. Réflexion qu’aura faite plus d’une fois, sans doute, quiconque étudia l’histoire où vécut avec les hommes, mais sur laquelle on ne peut trop, ce semble, insister dans le siècle où nous vivons. Plût à Dieu qu’elle servît enfin à calmer les animosités et la haine qui troublent si souvent l’empire des lettres ! et puissent les écrivains se persuader un jour que le véritable moyen d’obscurcir la gloire d’un rival est de surpasser réellement son mérite, non de décrier injustement ses ouvrages !

Tels sont, parmi les traits qu’on peut recueillir aujourd’hui concernant Callimaque, ceux qui regardent sa personne et sa vie ; il me reste à faire connaître plus particulièrement la nature de

  1. Sujet tiré de la vie de Thésée. Voyez Plutarque, Vie de Thésée.