ges de notre poëte : dès la première fois qu’il avait voulu les connaître, il les avait trouvés si ennuyeux qu’il avait jeté le livre à terre en crachant dessus ; et c’est probablement d’après tous ces jugements défavorables que feu M. l’abbé Fourmont n’a pas craint de parler avec mépris de Callimaque, dans un de ses Mémoires. J’avoue encore que le genre des citations tirées de ses écrits, que l’on trouve dans les Lexiques, donne lieu de penser que son style n’était pas sans défaut, et surtout qu’il était sujet à l’obscurité. Quand les scoliastes ou les lexicographes l’appellent en témoignage, c’est presque toujours pour autoriser ou un terme nouveau, ou l’acception détournée d’un mot ordinaire, ou une expression hardie, ou une épithète trop forte, ou une métaphore inusitée. Mais cette conjecture, qui n’est peut-être pas fondée, non plus que l’arrêt de quelques grammairiens ou de quelques poëtes intéressés à rabaisser un rival, ne saurait balancer le grand nombre de témoignages avantageux qui doivent nous faire déplorer la perte des ouvrages de Callimaque.
Properce lui-même a reconnu vingt fois la supériorité de Callimaque dans tous les genres, et l’ingénieux Ovide n’a pu s’empêcher de témoigner souvent sa reconnaissance pour l’auteur auquel il devait quelques unes des principales beautés dont brillaient ses productions. On n’imite guère ce qu’on estime peu, et nous savons qu’indépendamment de l’Ibis, qui n’est absolument qu’une imitation du poëme de Callimaque, la plupart des traits saillants qui se trouvent dans la fable de Philémon et Baucis sont empruntés de l’Hécale, sans parler d’un assez grand nombre de vers de l’Art d’aimer et des Tristes, qu’on reconnaît encore pour avoir été tirés des écrits du poëte grec. Au reste, les Latins pouvaient se permettre de transporter dans leur langue ce qu’ils admiraient dans ses ouvrages, puisque plusieurs écrivains de sa nation ne rougirent point de l’imiter dans la langue même dont il s’était servi. Le poëme d’Apollonius est rempli de vers que le maître de ce disciple ingrat aurait pu revendiquer. Le livre de Denys Périégète, ainsi que les lettres d’Aristænète, ne sont pour ainsi dire que des centons de Callimaque. Plusieurs de ses vers, qui étaient passés en proverbe, prouvent qu’il avait autant de philosophie dans l’esprit que de justesse dans l’expression. L’Anthologie nous a conservé diverses épigrammes composées dans des siècles différents, qui montrent qu’aussi longtemps que ses ouvrages subsistèrent, il fut toujours regardé comme un