Page:Lyriques grecs - traduction Falconnet.djvu/502

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ces coteaux fertiles, Inachus roule son onde argentée sur un lit d’or et de fleurs, c’est pour les bains de Pallas que ce dieu la réserve. Mais crains, ô Pélasge ! crains de jeter un regard même involontaire sur ta reine. Malheur à celui qui portera la vue sur les appas secrets de notre déesse tutélaire ; jamais ses yeux ne reverront Argos.

Ô puissante Minerve ! sors de ton temple. Vous cependant, jeunes filles, écoutez un récit que bien d’autres poëtes ont déjà consacré.

Il fut jadis à Thèbes une nymphe, mère de Tirésias, que Minerve préférait à toutes ses compagnes et dont jamais elle ne se séparait. Lors même qu’au travers des champs béotiens la déesse guidait ses coursiers vers l’antique Thespie, vers Haliarte, ou vers ces bocages odorants que le Coronéen lui a consacrés sur les bords du Curalion, toujours on voyait Chariclo assise à ses côtés sur son char. Jamais danses ou concerts ordonnés par d’autres ne plaisaient à Minerve. Préférence inutile ! À des pleurs éternels la nymphe était réservée.

Un jour, sur le sommet de l’Hélicon, au bord fleuri de l’Hippocrène, la déesse et sa nymphe, détachant leur ceinture, entraient dans le bain. Le silence du midi régnait dans les bois. Tirésias seul, Tirésias à peine encore à l’âge où un léger duvet vient ombrager le menton, errait avec ses chiens dans cet asile redoutable. Par une soif brûlante amené vers la fontaine, l’infortuné jeune homme y vit, sans le chercher, un spectacle interdit aux mortels. Minerve en fut irritée ; toutefois, plaignant son destin : « Ô toi, lui dit-elle, qui désormais ne jouiras plus de la vue, fils d’Euérée, quel funeste démon t’a conduit en ces lieux ? »

Elle dit : soudain une nuit épaisse couvrit les yeux de l’enfant ; il resta sans voix ; la douleur enchaîna ses mouvements, et l’étonnement lui coupa la parole. « Terrible Pallas, s’écria Chariclo, qu’avez-vous fait à mon fils !… Déesses, voilà donc votre amitié !… Vous avez privé mon