Page:Lyriques grecs - traduction Falconnet.djvu/528

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quelque jour tu rendras gloire au dieu qui, dès le ventre de sa mère, aura prophétisé ta victoire. Pour toi, ma mère, écoute mes paroles : il est au milieu des eaux une petite île remarquable qui erre sur les mers ; elle n’est point fixe en un lieu ; mais, comme une fleur, elle surnage et flotte au gré des vents et des ondes : porte-moi dans cette île, elle te recevra volontiers. »

Ainsi parla Phébus, et les îles fuyaient toujours. Mais toi, tendre et sensible Astérie, quittant naguère les rivages de l’Eubée, tu venais visiter les Cyclades et tu traînais encore après toi la mousse du Géreste[1]. Saisie de pitié à la vue d’une infortunée qui succombait sous le poids de ses peines, tu t’arrêtes et t’écries : « Junon menace en vain ; je me livre à ses coups. Viens, Latone, viens sur mes bords. »

Tu dis, et Latone, après tant de fatigues, trouve enfin le repos : elle s’assied sur les rives de l’Inopus, qui chaque année grossit son cours dans le même temps où le Nil tombe à grands flots des rochers d’Éthiopie. Là, détachant sa ceinture, le dos appuyé contre le tronc d’un palmier, déchirée par la douleur la plus aiguë, inondée de sueur et respirant à peine, elle s’écrie : « Pourquoi donc, cher enfant, tourmenter ta mère ? ne suis-je pas dans cette île errante que tu m’as désignée ? Mais, ô mon fils ! nais, et sors avec moins de cruauté de mon sein. »

Cependant, inflexible épouse de Jupiter, tu ne devais pas longtemps ignorer cette nouvelle ; bientôt ta prompte messagère accourt hors d’haleine et tient ce discours entrecoupé par la crainte : « Ô toi, la plus puissante des déesses, vénérable Junon ! Iris est à toi, l’univers t’appartient, tu marches égale au roi de l’Olympe : nous ne craignons ici d’autre déesse que toi. Toutefois, ô reine ! apprends ce qui doit exciter ta colère. Latone est reçue dans une île, elle y détache sa ceinture. Toutes les autres

  1. Promontoire de l’Eubée.