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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/17

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RIENZI.

Serrés corps à corps et en ordre parfait, les cavaliers de Martino tournèrent le dos et s’enfuirent ; la canaille à pied, venue pour le pillage, ne resta que pour défrayer le massacre. Les malheureux tentèrent d’imiter leurs guides ; mais comment auraient-ils pu esquiver les coursiers lancés à fond de train et les lances aiguës de leurs adversaires, dont le sang était échauffé par la mêlée, et qui regardaient les vies ainsi abandonnées à leur merci comme un enfant regarde le nid de guêpes qu’il détruit ? La multitude se dispersa dans toutes les directions : quelques-uns, à la vérité, se sauvèrent en grimpant sur les collines, inaccessibles aux chevaux ; d’autres firent un plongeon dans le fleuve et nagèrent à la traverse jusqu’à la rive opposée ; ceux qui, ayant moins de présence d’esprit ou d’expérience, prirent la fuite droit devant eux, servirent, en encombrant le chemin de leurs ennemis, à faciliter la fuite de leurs chefs, mais tombèrent eux-mêmes, cadavres sur cadavres, égorgés comme des brebis dans cette poursuite acharnée qui ne rencontrait aucune résistance.

« Point de quartier aux brigands ! Chaque Orsini tué est un voleur de moins ! Frappez, au nom de Dieu, de l’empereur et des Colonna ! » Tels étaient les cris qui sonnaient le glas de mort des fuyards épouvantés, tombant à chaque pas. Parmi ceux qui se sauvaient en avant, dans le chemin même qui était le plus ouvert à la cavalerie, était le jeune frère de Cola, si innocemment enveloppé dans la mêlée. Vite et vite, il s’enfuyait, étourdi de terreur : pauvre garçon, lui qui jusque-là n’avait pas quitté un instant les côtés de ses parents ou de son frère. Les arbres glissaient en passant devant lui, le rivage fuyait ; il courait toujours en avant, et tôt sur ses talons arrivaient le trépignement des chevaux, les clameurs, les malédications, le rire farouche de l’ennemi qui bondissait par-dessus les morts et les mourants