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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/196

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RIENZI.

— Je la redoute.

— Alors vous êtes un homme sensé. Mais ce ne sont pas mes affaires ; je ne veux point interrompre vos délibérations. Adieu pour le moment. Et avant qu’Étienne n’eût pu l’arrêter, le chevalier avait quitté la chambre.

— Qu’entend faire ce démagogue ? murmurait en lui-même Montréal. Se jouerait-il de moi ?… s’est-il débarrassé de ma présence dans le but d’accaparer tous les profits de l’entreprise ? J’en ai peur, ces Romains sont si fourbes ! Nous autres guerriers du Nord, nous ne pourrions jamais lutter avec l’intelligence de ces Italiens, n’était leur couardise. Mais que faire ? J’ai déjà commandé à Rodolphe de s’entendre avec ces bandits, et ils sont sur le point de laisser là leur seigneur actuel. Eh bien ! qu’il en soit ainsi ! Mieux vaut que je brise d’abord le pouvoir des barons, et qu’ensuite je règle mes propres comptes, l’épée à la main, avec l’homme du peuple. Si j’échoue ici, ô ma douce Adeline, j’irai te revoir, c’est toujours ça ! Et Louis de Hongrie payera gros le bras et la cervelle de Walter de Montréal. Eh bien, Rodolphe ! cria-t-il à haute voix, en voyant le vigoureux routier, moitié armé et moitié ivre, vaciller le long de la cour, maraud, es-tu gris à cette heure ?

— Gris ou non, répondit Rodolphe, avec une humble révérence, je suis à vos ordres.

— Bien répondu ! Tes amis sont-ils prêts à monter à cheval ?

— Il y en a quatre-vingts déjà, qui, las de ne rien faire et de languir dans cet air assommant de Rome, ne demandent qu’à décamper pour aller où bon semblera à sire Walter de Montréal.

— Alors dépêche-toi, fais-les monter en selle ; nous ne partons pas avec les Colonna, nous les laissons là pendant qu’ils font la causette ! Dis à mes écuyers de me suivre. »