Aller au contenu

Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
RIENZI.

charpente, le jeune Adrien de Castello, parent éloigné des Colonna, lui commanda fièrement de se retirer devant lui.

« Au logis, mes amis, retournez chez vous, et sachez, ajouta-t-il avec une certaine dignité, que vous nous faites grande injure en nous croyant complices des méfaits des Orsini, ou seulement conduits par nos propres passions, dans l’inimitié qui existe entre cette maison et la nôtre. Puisse la sainte mère de Dieu me juger, ajouta-t-il en levant dévotement les yeux au ciel, comme je déclare maintenant en toute sincérité que c’est pour vos griefs et pour les griefs de Rome que j’ai tiré cette épée contre les Orsini !

— Ainsi parlent tous les tyrans, répliqua hardiment le forgeron en appuyant son marteau sur un fragment de pierre, quelque débris de l’ancienne Rome. Jamais ils ne se combattent que ce ne soit pour notre bien. Un Colonna va-t-il couper la gorge du boulanger des Orsini, c’est pour notre bien ! Un autre Colonna se jette sur la fille du tailleur d’Orsini, c’est pour notre bien ! « Notre » bien ! Oui, pour le bien du peuple ! pour le bien des boulangers et des tailleurs, hein ?

— L’ami, dit gravement le jeune noble, si un Colonna en a fait ainsi, il a eu tort ; mais la plus sainte cause peut avoir de mauvais soutiens.

— Oui, la sainte Église elle-même s’étaye sur des colonnes qui ne valent pas grand’chose, répondit le forgeron, faisant une pointe grossière sur l’affection du pape pour les Colonna.

— Il blasphème ! le forgeron blasphème ! hurlèrent les partisans de cette puissante famille. Aux Colonna ! Aux Colonna !

— Aux Orsini ! aux Orsini ! répondit aussitôt la clameur opposante.

— Au peuple ! » cria le forgeron, brandissant son arme terrible bien au-dessus des têtes du groupe voisin.