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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/32

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RIENZI.

En un moment toute cette masse, unie d’abord contre l’agression d’un seul homme, fut divisée par les rancunes héréditaires des factions. Au cri d’Orsini, plusieurs nouveaux partisans accoururent sur la place ; les amis des Colonna se portèrent d’un côté, les défenseurs des Orsini de l’autre. Les quelques citadins qui, avec le forgeron, regardaient les deux partis comme également odieux, et le cri « au peuple ! » comme le seul cri légitime dans un soulèvement populaire, se seraient retirés hors de la mêlée imminente, si le forgeron lui-même, regardé par eux comme une autorité de haute importance n’avait pas, — soit qu’il en voulût au jeune Colonna de ses manières arrogantes, soit qu’il eût cette soif de querelle assez commune chez les hommes auxquels une force herculéenne assure, dans toute rixe corps à corps, le plaisir orgueilleux de la supériorité, — si le forgeron lui-même, dis-je, n’avait pas, après une pause d’irrésolution, rejoint les Orsini, et entraîné par son exemple l’alliance de ses amis avec les suppôts de cette faction.

Dans les soulèvements populaires, l’individu est emporté par le tourbillon de la masse, souvent dans un sens presque opposé à sa conscience et à ses propres sentiments. Les quelques paroles de paix par lesquelles Adrien de Castello commençait une allocution à ses amis se noyèrent dans leurs acclamations. Les partisans des Colonna, fiers de trouver dans leurs rangs un des plus nobles soutiens de ce nom et un des plus aimés, le placèrent à leur tête et chargèrent impétueusement leurs ennemis. Adrien, cependant, à qui les circonstances avaient inspiré quelques-uns de ces principes chevaleresques dont il ne pouvait certainement pas faire honneur à son origine romaine, crut d’abord indigne de lui d’attaquer des hommes parmi lesquels il ne reconnaissait pas ses pairs, soit pour le rang, soit pour la science des armes. Il se contenta de parer le petit nombre de coups qu’on lui porta