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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/39

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RIENZI.

Oh ! si nous, les chefs héréditaires de Rome, nous pouvions seulement sentir, si nous pouvions seulement reconnaître que notre unique sauvegarde, notre sauvegarde légitime doit se trouver dans les cœurs reconnaissants de nos concitoyens ! »

Le jeune Adrien sentait si profondément ces cruelles vérités qu’exprimaient ses lèvres, qu’en même temps des larmes d’indignation roulaient sur ses joues. Il n’éprouva aucune honte en les essuyant, car cette faiblesse qui fait pleurer sur une race déchue est une tendresse non pas de femme mais d’ange.

Comme il se retournait lentement pour quitter la place, ses pas furent soudain arrêtés par une bruyante acclamation : « Rienzi ! Rienzi ! » était le cri qui frappait les airs. Des murs du Capitole aux bords du Tibre brillant, ce nom retentissait au loin dans tous les sens ; et les sons expirants des acclamations furent absorbés par un silence tellement profond, universel, sans le moindre souffle, que l’on aurait pu croire la ville envahie par la mort elle-même.

Maintenant, à une extrémité du rassemblement, et dominant les têtes de la foule, sur de vastes blocs de pierre, qui avaient été tirés des ruines de Rome dans un des plus récents conflits, si fréquents entre factions opposées, pour servir de barricades de citoyens à citoyens ; sur ces muets souvenirs de la grandeur passée et de la misère présente de Rome, se tenait cet homme extraordinaire, qui, par-dessus tous ses compatriotes, avait le plus profond sentiment des gloires d’une époque, et de l’abaissement de l’autre.

Éloigné comme il l’était de la scène, Adrien ne pouvait distinguer que les sombres contours de la figure de Rienzi ; il ne pouvait entendre qu’un faible écho de sa puissante voix ; il ne pouvait qu’apercevoir, dans cet océan soumis mais ondoyant d’êtres humains qui l’en-