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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/40

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RIENZI.

touraient, dans leurs têtes découvertes sous les derniers rayons du soleil, l’effet inexprimable qu’une éloquence décrite par les contemporains comme approchant du miracle, sans doute moins à cause du génie de l’homme qu’à cause des sympathies de l’auditoire, produisait chez tous les auditeurs qui abreuvaient leurs cœurs et leurs âmes au torrent de ses brûlantes pensées.

Ce ne fut que peu de temps que cette figure fut visible à l’œil attentif, et que cette voix, par intervalles, vint frapper l’oreille tendue d’Adrien di Castello ; mais ce temps suffit pour produire tout l’effet qu’Adrien lui-même avait désiré produire.

Une autre acclamation, plus sérieuse, plus prolongée que la première, acclamation dans laquelle se dégageaient hautement de bouillantes pensées et de violents transports, annonça le terme de la harangue, et alors l’on aurait pu, après une pause d’une minute, voir la foule s’élancer dans toutes les directions et inonder les rues de groupes et de rassemblements variés, dont chacun attestait l’impression forte et durable faite sur la multitude par cette allocution. Chaque joue était empourprée, chaque langue parlait : l’animation de l’orateur avait passé comme un souffle de vie dans les cœurs de l’auditoire. Il avait tonné contre les désordres des patriciens, mais d’un mot il avait désarmé la colère des plébéiens : il avait prêché la liberté, mais il avait combattu la licence. Il avait pacifié le présent par une promesse de l’avenir. Il avait blâmé leurs querelles, mais il avait soutenu leur cause. Il avait arrêté la vengeance aujourd’hui en assurant, d’un ton solennel, que la justice viendrait demain. Si grand est parfois le pouvoir, si puissante l’éloquence, si formidable le génie d’un homme sans armes, sans importance, sans épée et sans hermine, qui s’adresse, tout seul et en personne, à un peuple opprimé !