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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/42

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RIENZI.

trée par ses parents devant ce résultat funeste de leurs inimitiés personnelles. Il avait sérieusement recherché l’amitié de Rienzi, et, tout jeune qu’il était, avait deviné la puissance et l’énergie de son caractère. Mais quoique Rienzi, peu de temps après, eût semblé ne plus penser à la mort de son frère, quoiqu’il fût rentré dans les antichambres des Colonna, pour prendre part à leur dédaigneuse hospitalité, il avait su garder une certaine distance, et, dans ses manières, une réserve qu’Adrien même n’avait pu surmonter tout à fait. Rienzi rejetait toute offre de service, de faveur, d’avancement ; et de la part d’Adrien tout témoignage extraordinaire de bienveillance semblait, au lieu de le rendre plus familier, lui jeter dans le cœur plus de froideur et d’éloignement. Cette verve facile, cette vivacité de conversation, qui d’abord en avaient fait un convive bienvenu à quiconque passait sa vie en combats et en festins, s’étaient changées en une veine d’ironie hardie et sévère. Mais son esprit n’en amusait pas moins comme auparavant ces barons imbéciles, et Adrien était presque le seul qui découvrît le serpent tapi sous le sourire. Souvent Rienzi, assis au festin, silencieux mais attentif, paraissait guetter chaque regard, peser chaque mot, jauger et mesurer l’intelligence, la politique, le caractère de tous les convives ; et, quand il semblait s’être satisfait, son humeur joviale prenait son élan, sa parole coulait à flots, et tandis que son esprit éblouissant, mais amer, animait la fête, personne ne voyait dans la saillie caustique un signe avant-coureur de la tempête qui approchait. Mais en même temps il ne négligeait aucune occasion pour se mêler à ses concitoyens d’un rang inférieur, pour réveiller leurs pensées, enflammer leur imagination et allumer leur émulation par le tableau du présent et les légendes du passé. Il grandissait en popularité et en réputation, et prenait d’autant plus d’influence sur les masses qu’il jouissait