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RIENZI.

la petite croix, suspendue autour de son cou, sur la table, pour adresser ses prières, dans ses cruelles souffrances, à celui qui a connu la mort, et qui, Fils du ciel et Roi des séraphins, a pourtant prié aussi, dans son labeur terrestre, pour écarter la coupe d’amertume.

L’aurore parut, non pas, comme dans nos climats du nord, lentement, à travers les ombres du crépuscule, mais avec l’éclat soudain qui illumine ces régions favorisées, quand le jour s’élance d’un bond sur la terre comme un géant qui s’éveille. Un sourire subit, un jet de lumière rayonnante, et la nuit avait disparu. Adrien dormait encore : pas un muscle n’avait encore tressailli ; le sommeil était même plus lourd que jamais ; ce silence éternel semblait rendre l’air étouffant. Alors, en voyant cette torpeur effrayante si semblable à la mort, la garde solitaire fut alarmée, terrifiée. Le temps passe, au matin succède l’heure de midi, toujours pas un son, pas un mouvement. Le soleil plane au milieu de son cours : le moine ne vient pas. Et maintenant, touchant encore le pouls d’Adrien, elle ne sent plus la moindre ondulation ; elle le contemple, épouvantée, confondue : il n’était pas possible qu’une créature vivante fût ainsi pâle et muette. Était-ce bien le sommeil, n’était-ce pas plutôt…, elle recula glacée d’horreur, sa langue attachée à ses lèvres. Pourquoi le saint père tardait-il ? Elle veut l’aller chercher : elle veut savoir son sort : elle ne peut y tenir plus longtemps. Elle jette un coup d’ail sur le billet que le moine lui avait laissé, et lit ces mots :

« Dès le point du jour je serai au couvent des dominicains ; la mort a frappé un grand nombre des frères. » Le couvent était à quelque distance, mais elle connaissait l’endroit et la crainte lui donnerait des ailes. Elle lança sur Adrien un regard ardent et se précipita hors de la maison. « Je vais te revoir tout à l’heure, » murmura-t-elle. Hélas ! quelle est l’espérance qui peut s’étendre