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P. PELLIOT

chissement inattendu l’étude minutieuse du texte sogdien va apporter à la linguistique iranienne.

Mais on peut se demander comment un sûtra qui existait en sogdien au viie ou au viiie siècle se retrouve brusquement au Japon, en une version chinoise, dans les premières années du xxe siècle, alors qu’il n’a jamais été incorporé aux éditions régulières du Tripiṭaka. L’explication est assez simple. Si on ouvre les catalogues du Tripiṭaka chinois datant de l’époque des Souei et des T’ang, on y voit mentionner, en une section spéciale, toute une liste de « sûtras apocryphes », qui, par suite même de ce caractère apocryphe, ne se sont pas maintenus dans les collections régulières. Or l’examen de la bibliothèque de Touen-houang m’a montré que ces « apocryphes » étaient extrêmement répandus à l’époque des T’ang. Quelques-uns ont été retrouvés au Japon, et le Supplément au Tripiṭaka doit en publier deux ou trois dans des Addenda. Seulement on peut être surpris, si, dans le cas actuel, il s’agit d’un apocryphe, que lui aussi n’ait pas été rejeté aux Addenda et figure au contraire dans le 1er tao de la collection. Je crois bien que c’est tout simplement que, pour ce sûtra, il y a eu une inadvertance des éditeurs, et nous devons nous en féliciter. Le caractère apocryphe de ce sûtra ne peut en effet faire doute : deux catalogues de l’époque des T’ang, le Ta tcheou k’an ting tchong king mou lou (Nanjio, n° 1610 ; ch. 7, éd. de Kyoto, XXXV, iv, 200 ) et le K’ai yuan che kiao lou (Nanjio, n° 1485 ; ch. 18, éd. de Kyoto, XXIX, iv, 319 ) mentionnent expressément le Chan ngo yin kouo king parmi les sûtras apocryphes. La première de ces mentions établit que le texte chinois existait dès l’an 695 de notre ère.

Mais le caractère apocryphe de ce sûtra pose une dernière et importante question. Jusqu’ici, et pour le peu que nous en connaissions, nous étions tentés d’admettre que les sûtras ainsi condamnés par les catalogues chinois étaient de fabrication purement chinoise. Cela est certainement vrai pour quelques-uns ; il n’apparaît plus que ce le soit pour tous. Bien au con-