Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

142 L EPOPEE

pas vrai, ainsi qu'on a pu le croire d'abord, qu'il soit, comme le Ferahras, le simple calque provençalisé d'un poème français : M. Meyer a parfaitement démontré qu'il a été composé origi- nairement en langue d'oc ; mais il a également raison de voir dans la chanson provençale une imitation des chansons fran- çaises. A l'époque où Daiirel a été écrit, l'épopée provençale avait déjà presque péri ; dans le Midi, où le goût des récits épiques était cependant toujours très vif, au moins dans les milieux aristocratiques, on le satisfaisait presque exclusivement avec les œuvres françaises, soit qu'on les lût ou les entendît dans leur forme native, soit qu'on les provençalisât plus ou moins grossièrement. L'auteur de Daniel, sans doute un jon- gleur errant, était tout imbu des récits et des formules des chansons de geste françaises ; il a essayé de trouver dans sa langue en les imitant, et non sans se faciliter la fabrication de ses laisses monorimes en y admettant des formes françaises ou qu'il croyait telles. Est-ce à dire que rien ne distingue son œuvre d'une chanson purement française et que, soit dans l'allure générale et la composition, soit dans le style et les détails, on ne puisse relever des traits qui indiquent un milieu parti- culier et peut-être des traditions, des habitudes propres ? C'est une question que l'on peut poser, mais à laquelle il est à peu près impossible de répondre, les points de comparaison faisant défaut du côté provençal autant qu'ils sont abondants du côté français. On peut cependant faire quelques remarques à ce sujet ; mais d'abord donnons une idée du poème qui les suggère. Ce poème a été composé au xii^ siècle, car le troubadour catalan Guiraut de Cabrera, dans une pièce qui paraît avoir été écrite aux environs de l'an 1200 ', énumérant tout ce qu'un jongleur doit savoir et ce que, selon lui, son jongleur Cabra ne sait pas, lui dit :

Ja de Maiiran

Oni not deman

Ni de Daurel ni de Béton.

��1. La date de cette pièce avait été assignée à 11 70 par le regretté Milà y Fontanals ; M. P. Meyer est porté à la faire descendre beaucoup plus bas. Il serait d'une haute importance pour Fhistoire littéraire de dater avec précision cette ricl)e énumération de poèmes narratifs connus en (Catalogne. Je suis porté à l'attribuer eu tout cas à la lin du xii^ siècle [cf. ci-dessous, p. 221, n. 3].

�� �