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par le renouveleur auquel nous devons la seule forme qui nous en soit arrivée : il l'a emprunté à un personnage qui n'avait de commun avec le héros de ce poème que le nom d'Anseïs, et que nous voyons apparaître une seule fois dans Aimeri de Nar- bonne (voy. Alton, p. 427, 481) d'une manière assez énigma- tique ["]. Il refuse, comme d'autres chevaliers, d'accepter l'in- vestiture de Narbonne, parce qu'il ne veut pas rester en la terre sauvage et guerpir sa terre et son manage où personne ne lui fait la guerre : il semblerait donc d'après cela que Cartage désigne une ville située en pays chrétien ; toutefois il serait difficile de la désigner. Il me paraît plus probable qu'Anseïs de Cartage, comme Ernaut de Gironde, Guibert d'Andrenas, Bovon de Barbastre et d'autres, doit son surnom à la ville qu'il était censé avoir enlevée aux païens et prise pour lui, et que cette ville est bien Carthagène. Mais tout ce cycle de chants héroïques relatifs à la conquête de l'Espagne orientale par les Francs tomba vite dans un oubli relatif; les noms seuls de quelques personnages surnagèrent, sans qu'on sût bien à quoi ils se rapportaient, et Anseïs de Cartage fut pris par l'auteur à' Aimeri de Narbonne pour un baron possessionné en France, qui avait simplement suivi Charlemagne dans l'expédition ter- minée par Roncevaux. Le poème primitif sur la seconde guerre d'Espagne avait pour héros un Anseïs, donné comme breton, fils de Rispeu et neveu de Salomon ; le renouveleur connaissait vaguement le nom d'Anseïs de Cartage et l'a appliqué à cet Anseïs, sans d'ailleurs en motiver l'application %

Si je me suis quelque peu arrêté à cette question d'importance secondaire, c'est que déjà sur ce point la comparaison de la version italienne avec le poème français semble indiquer que la seconde représente une forme du premier plus ancienne que

��[*i. Cf. VAnseis de Giroiia de Girart de RoussilJoii. — N. b. un Anseïs de Carthage, s. d. païen, tué par Aimer à Trapes, Elie de saint Gilles, v. 65 [cf. ci-dessus, p. 1 34 et n. 4J.

2. Un rapprochement qui n'est sans doute que fortuit peut cependant être signalé. Un chroniqueur espagnol du xvie s., Lopez de Ayala, fait de Julien un conde de Espar taria, et Spartaria a été au moyen âge un nom souvent donné à Carthagène.

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