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ANSEÏS DE CARTHAGE 175

celle qui nous est parvenue. M. Alton n'a pas signalé le fait, incontestable à mon avis, que le poème publié par lui et conservé dans tous nos manuscrits est le renouvellement d'un poème plus ancien '. Les vers du prologue nous l'indiquent suffisam- ment :

Onques n'en fu la droite rime oïe. Chil jougleor vous en ont dit partie,

Mais ils n'en sevent valissantune alie

Par moi vous ert icheste radrechie.

Ce sont là les manières de parler habituelles aux renouveleurs ^. Dès lors nous avons à nous demander si la rédaction italienne s'appuie sur le poème que nous avons, ou sur une forme anté- rieure. La question est assez intéressante à cause d'une circon- stance particulière : il y a en effet entre les deux récits, outre beaucoup de divergences de détail, une différence sur un point essentiel, le caractère et le rôle de la jeune fille dont le déshon- neur devient l'occasion de la guerre. Dans Anseïs c'est elle qui s'éprend du jeune roi : elle lui déclare son amour, et, .refusée par lui, réussit par ruse à s'introduire dans son lit et à obtenir ce qu'elle désire en lui laissant croire qu'il a affaire à une fille de basse condition. Dans la Seconda Spa^na c'est le roi qui se prend d'amour pour elle ; elle n'oppose, il est vrai, à sa déclaration aucune résistance, mais il n'en est pas moins gra- vement coupable d'avoir oublié ce qu'il devait à Isoré, qui lui avait recommandé sa fille en partant pour l'ambassade où il allait lui chercher une femme ; dans notre poème français, au contraire, toute la faute est du côté de Letise (la Violante du roman italien). Le récit italien est visiblement plus voisin de la légende espagnole, dans laquelle la jeune fille est présentée,

��1. M. Paul Meyer (voy. Alton, p. 480) avait déjà appelé Anseïs « une chanson de geste renouvelée aux environs de l'an 1200, mais dont l'original peut avoir été fort ancien » ; c'est par une méprise, justement relevée par M. L. Gautier (voy. Alton, p. 423), que j'avais cru jadis que nous possédions deux rédactions différentes à' Anseïs.

2. On peut considérer comme un reste du poème primitif la laisse asse- nante 542-358, qui ne s'est conservée intacte que dans un manuscrit.

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