Aller au contenu

Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CLIGÈS 231

thème fondamental de plusieurs de ses romans dans des récits antérieurs, il l'a toujours transformé de telle sorte qu'il l'a fait complètement sien. C'est lui seul qui a introduit la matière de Bretagne dans la littérature française : avant lui elle n'était connue que par la transmission orale de conteurs grossiers; d'ailleurs il ne lui a guère emprunté que des noms de personnes et de lieux et peut-être quelques incidents, et il l'a tellement marquée de son empreinte que tout ce qui appartient à cette matière dans la poésie subséquente relève directement ou indirectement de lui. Il a créé un style nouveau, qui a dominé pendant longtemps la littérature. Il est le modèle à la fois ini- mitable et toujours, — mais faiblement ou lourdement, — imité. Il est, en un mot, pour prendre l'épithète dont M. Fôrster manque rarement d'accompagner son nom, le « grand maître » auprès duquel tous les autres ne sont que des écoliers ou même des apprentis.

Cet enthousiasme ne va pas, assurément, sans quelque exa- gération, et il a peut-être porté l'auteur à se représenter d'une façon qui n'est pas tout à fait exacte l'évolution de la poésie et de la langue littéraire en France dans leur plus belle période médiévale '. Mais on ne saurait en vouloir à l'éditeur de Chré- tien d'une passion qui l'a soutenu dans un labeur aussi consi- dérable, et qui lui a fait examiner à des points de vue très nouveaux des sujets qui, si même on ne les traite pas absolu- ment comme lui, ne seront plus traités après ses travaux comme ils auraient pu l'être auparavant. Son zèle, servi par une grande érudition et une grande pénétration, lui a fait fouiller en tous sens et retourner jusqu'au tréfonds un terrain qui, grâce à lui. est désormais mieux connu et sera certaine- ment mieux cultivé. Le volume que nous annonçons aujour- d'hui est un nouveau et très intéressant produit de son travail tenace et fécond.

A côté de sa grande édition, M. Fôrster a donné des trois

��I. Je dis « peut-être », car M. Fôrster, et on ne peut que le regretter, n'a donné nulle part une appréciation générale de l'activité littéraire de Chrétien et de la place qui lui revient dans la littérature de son temps.

�� �