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CLIGÈS 233

XII'-' siècle. Les manuscrits que nous en avons sont du xiii= siècle (ou même du xiv), postérieurs d'au moins trois quarts de siècle à l'original dont ils dérivent par des intermédiaires, perdus, plus ou moins nombreux. Un poème du temps de Louis VII n'était plus compris sans peine du temps de saint Louis ou de Philippe III : pour être arrivé à se maintenir dans la faveur des lec- teurs, il lui avait fallu nécessairement subir bien des remanie- ments de détail. Quand on a des manuscrits de familles diffé- rentes, on arrive encore à reconstituer à peu près l'original, puisque les changements n'ont pas été les mêmes dans les diverses copies dont ces fiimilles procèdent indépendamment. Mais trop fré- quemment on n'a affaire qu'cà des manuscrits « contaminés », c'est-à-dire à des copies dont l'auteur a eu sous les yeux et a combiné plus ou moins au hasard des leçons de deux ou plu- sieurs exemplaires qui pouvaient d'ailleurs être déjà eux-mêmes le produit de semblables contaminations. Et, d'autre part, il peut arriver que tous les manuscrits venus jusqu'à nous remontent non à l'original, mais à un même exemplaire, dérivé de celui-ci plus ou moins anciennement et directement, et déjà semé de fautes que nos copistes ont conservées ou qu'ils ont essayé de corriger de fiiçon, trop souvent, à éloigner encore plus leurs leçons de celles de l'original. Ces deux fâcheuses circonstances semblent s'être produites pour Cligês, et le texte, bien que conservé dans huit manuscrits, est loin d'en être partout assuré. C'est en vain que l'éditeur, doué cependant, pour ce genre de travail, d'une habileté peu commune, a essayé de classer rigoureusement les huit manuscrits : il a dû, après un travail acharné, renoncer à en dresser un tableau généalogique qui le satisfît complètement. Il semble bien que le manuscrit S, le plus ancien de tous, soit exempt de toute contamination ; il remonte d'ailleurs à une bonne source, et il présente cet avantage, qu'apprécient les philologues habitués à ces délicates recherches, que le scribe auquel on le doit. Méridional qui comprenait mal le français, a d'ordinaire copié mécaniquement son original ( bien qu'avec toutes sortes de fautes) sans se faire scrupule de livrer des leçons absolument dénuées de sens, tandis que la plupart des autres se permettent d'arranger le texte à leur guise et de le refaire arbitrairement quand il leur semble obs- cur ou ne leur plaît pas. Mais ce manuscrit est, par son carac-

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