Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

258 LE ROMAN

seul poème, — dans la classe des romans bretons et des romans d'aventure, — - qui réponde à la description que fait M. Fôrster des procédés « toujours » employés par les remanicurs vis-à-vis de leur origi'nal. Je ne vois guère que le Tristan de Thomas auquel il ait pu songer, parce qu'on y trouve quelques remarques polémiques contre ceux qui racontent l'histoire autrement que lui, et un appel à un garant (Bréri) qui assure à sa version plus d'authenticité. En dehors de ce cas (et combien la petite satire de M. Fôrster contre les remanieurs s'y applique mal !), je cherche en vain un exemple de ce rapport entre une imitation et son modèle, je cherche même en vain, à vrai dire, un exemple de ces « romans de concurrence » dont le critique allemand semble connaître toute une liste '. Et je me demande surtout s'il est probable qu'un Tristan de Chrétien de Troies eût été ainsi remanié. N'aurait-il pas au contraire, s'il avait existé, telle- ment pris possession de ce domaine que personne n'aurait plus fait de Tristan ? Est-ce qu'on a traité Erec, CJigês, Lancelot, y vain, comme M. Fôrster suppose qu'on a traité un poème bien autrement important et qui aurait eu certainement plus de suc- cès que tous les autres ? M. Fôrster explique sans doute son hypothèse sur les remaniements du Tristan de Chrétien par son autre hypothèse sur l'état d'inachèvement où le poète l'aurait laissé ^ ; mais est-ce que le Perceval, tout inachevé qu'il est, a été remanié? Pas du tout : en dehors du prologue postiche du manuscrit de Mons, on s'est borné à le continuer, en gardant intacte l'œuvre du poète champenois, et c'est sans doute ce qu'on aurait fait pour son Tristan si on l'avait eu dans le même état.

��1. On pourrait citer le roman de la Violette, qui provient de celui du Comte de Poitiers (combiné avec celui de Giiitlauiiie de Dole) ; mais les procé- dés de Gerbert de Montreuil ne répondent pas à ceux que décrit M. Fôrster, et le poème archaïque et grossier qu'il a refait en l'allongeant provoquait naturellement à un renouvellement « courtois « et ne ressemblait guère à un poème de Chrétien.

2. Cette hvpothèse explique aussi, pour M. Fôrster, l'absence de toute mention du Tristan de Chrétien ; nous voyons cependant le Perceval inachevé loué dans le prologue cité plus haut et bien souvent mentionné ailleurs.

�� �