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266 LE ROMAN

poèmes tirés, comme Philoiiwfia, des Métaniorphoscs d'Ovide, Narcissus (dans Cligès), Piramus (dans Lanceloi), et qui lui en ont sans doute donné l'idée '. Il doit à ces romans une grande partie de ses procédés littéraires et de son style, comme nous le verrons en étudiant Cligès. A côté des poèmes antiques, il connaît les chansons de geste, qui étaient encore en grande faveur sous forme de renouvellements et d'imitations des anciens poèmes ^ et s'en montre tout imprégné dans Erec (plus tard il s'abstient à peu près de les citer). Il n'est pas probable cependant qu'il se soit essayé dans ce genre ^

Dès avant Érec, avec le conte Del roi Marc et d'Iseut (et peut- être avec le Mors de respaiile), il s'était attaché à la matière de Bretagne, qui charmait alors toutes les imaginations. Un poème, — perdu pour nous, — sur Tristan (peut-être celui de La Chèvre) l'avait particulièrement frappé : il le cite dans Phi- lomena, puis trois fois dans Erec, et il compose Cligès, — M. Fôrster l'a montré et nous y reviendrons, — comme une contre- partie de Tristan ; plus tard il ne le nomme plus, mais il est bien possible que les amours de Lancelot et Guenièvre aient été inspirées par celles de Tristan et Iseut 4. Tous ses ouvrages pos- térieurs à Cligès, — ' qu'il a même voulu y rattacher exté- rieurement, — sont empruntés à cette matière de Bretagne,

��1. M. Fôrster (note sur le v. 3821 de la Charrette) admet aussi Tantério- rité de ces deux petits poèmes à ceux de Chréiien.

2. C'est à tort qu'on dit toujours (M. Fôrster lui-même, p. xv) que l'épo- pée nationale était alors passée de mode. La seconde moitié du xiie siècle et la première moitié du xine siècle sont l'époque de la plus abondante pro- duction de chansons de geste, et elles continuaient à se chanter avec grand succès aux cours des rois et des princes : l'une d'elles, Foiicon de Candie, com- posée vers 1170, passait pour le type du poème « courtois ». On avait seu- lement modifié et renouvelé l'esprit et la forme de l'ancienne poésie épique.

3. L'attribution faite d'Aliscaiis à Chrétien par Wolfram d'Eschenbach n'a aucune vraisemblance.

4. Seulement il est possible que ce soit la comtesse de Champagne, et non Chrétien lui-même, qui ait introduit dans l'histoire de la délivrance de Gue- nièvre par Lancelot le motif de leur liaison amoureuse (cf. Roiiiaiiia, t. XII. p. 507 [G. Paris, Le Conte de la Charrette]). — M. Fôrster a signalé (p. xxxv, n. i) divers traits de la Charrette qui semblent trahir l'imitation de Tristan.

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